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La création d’une échelle d’orthosomnie : enjeux et perspectives

Un nouveau concept dans la médecine du sommeil

L’orthosomnie désigne une préoccupation excessive vis-à-vis du sommeil, souvent liée à la recherche d’un « sommeil parfait ». À l’instar de l’orthorexie (obsession de l’alimentation saine), l’orthosomnie reflète une dérive d’un comportement a priori favorable – prendre soin de son sommeil – vers une rigidité et une anxiété qui, paradoxalement, altèrent le repos nocturne.

Jusqu’ici, ce concept émergent était difficile à évaluer, faute d’outil validé. Les questionnaires utilisés mesuraient surtout l’anxiété liée à l’insomnie, sans cibler spécifiquement l’orthosomnie. C’est dans ce contexte qu’a été élaborée par une équipe norvégienne la Bergen Orthosomnia Scale (BOS), première échelle conçue pour mesurer ce phénomène.


La démarche scientifique

Le développement de la BOS s’est appuyé sur trois étapes méthodologiques :

  1. Sélection des items (Delphi method) :
    Un ensemble initial de 51 questions inspirées des échelles d’orthorexie a été soumis à un panel international d’experts du sommeil. Après deux tours d’évaluation, 28 items ont été retenus.
  2. Validation factorielle :
    L’échelle a été testée auprès de près de 1 000 participants. L’analyse statistique a identifié deux dimensions principales :
    • Interférence : quand la préoccupation pour le sommeil perturbe la vie sociale, familiale ou professionnelle.
    • Rigidité : quand les règles de sommeil sont suivies de manière stricte et inflexible.
    L’échelle finale comprend 12 items (6 pour chaque dimension), avec de bonnes qualités psychométriques : cohérence interne (α ≈ 0,9) et stabilité dans le temps.
  3. Validation croisée :
    Une nouvelle cohorte a permis de corréler la BOS avec différents indicateurs : symptômes d’insomnie, croyances dysfonctionnelles sur le sommeil, traits de personnalité (neuroticisme, perfectionnisme, « dark triad »), anxiété de santé, symptômes obsessionnels. Les résultats montrent que l’orthosomnie est bien distincte de l’insomnie classique, tout en partageant certaines vulnérabilités psychologiques.

Limites et perspectives

Comme tout nouvel outil, la BOS présente des limites :

  • Elle a été validée sur une population britannique en ligne, ce qui nécessite des validations interculturelles.
  • Elle n’a pas encore été confrontée à des données objectives de sommeil (polysomnographie, actimétrie).
  • La question de l’intégration du sleep tracking (applications et objets connectés) reste discutée : dimension à part entière de l’orthosomnie ou facteur secondaire ?

Pour être opérationnelle, des recherches futures devront préciser des seuils cliniques, tester l’échelle dans des populations de patients et explorer comment l’orthosomnie interagit avec l’insomnie et d’autres troubles anxieux.


🌙 Bergen Orthosomnia Scale (BOS)

Instructions : Pour chacun des énoncés, indiquez à quel point vous êtes d’accord en utilisant une échelle de Likert en 7 points :
1 = Pas du tout d’accord → 7 = Tout à fait d’accord.


Sous-échelle 1 : Interférence

  1. Mes amis et ma famille s’énervent de la fréquence à laquelle je parle de sommeil.
  2. Au cours de l’année écoulée, mes proches m’ont dit que je me préoccupais trop du fait de bien dormir.
  3. Ma préoccupation pour des habitudes de sommeil saines est une source de stress dans mes relations.
  4. Mes habitudes de sommeil restreignent ma vie (par ex. : difficulté à sortir avec mes amis).
  5. Je suis préoccupé(e) par mon sommeil, même lorsque je fais autre chose.
  6. Mes relations sociales ont été négativement affectées par ma préoccupation à obtenir un sommeil de bonne qualité.

Sous-échelle 2 : Rigidité

  1. Je ne me permets pas de dévier de ma routine de sommeil.
  2. Je consacre beaucoup de temps à ma routine du coucher pour garantir une bonne nuit de sommeil.
  3. Je suis des règles d’hygiène du sommeil de façon rigide.
  4. Je fais de grands efforts pour m’assurer de bien dormir chaque nuit.
  5. J’essaie de suivre des habitudes de sommeil « parfaites ».
  6. Je me sens en paix avec moi-même lorsque je respecte une routine stricte de sommeil.

📝 Utilisation

  • Score total : somme des 12 items (score élevé = orthosomnie plus marquée).
  • Sous-scores possibles : Interférence et Rigidité.
  • Qualités psychométriques : bonne cohérence interne (α ≈ 0,9) et fiabilité test-retest satisfaisante.

Ce que disent les résultats disponibles

  • Scores moyens observés (échantillon général britannique, n ≈ 473) :
    • Sous-échelle Interférence : moyenne ≈ 12,5 (écart-type 6,2), 95e percentile = 25.
    • Sous-échelle Rigidité : moyenne ≈ 19,9 (écart-type 7,4), 95e percentile = 33
  • Interprétation :
    • Ces valeurs donnent une idée de la distribution dans une population générale.
    • Les individus avec des scores proches ou au-delà du 95e percentile (≈ 25 pour l’interférence, ≈ 33 pour la rigidité) peuvent être considérés comme présentant une préoccupation anormalement élevée pour leur sommeil.

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