Définition
Les troubles centraux de l’hypersomnolence (TCH) regroupent un ensemble de pathologies caractérisées par une somnolence diurne excessive (SDE) en l’absence d’une cause externe (privation de sommeil, apnée obstructive du sommeil, prise de substances). L’ICSD-3 (International Classification of Sleep Disorders, 3e édition) les classe en :
- Narcolepsie de type 1 (avec cataplexie ou déficit en hypocretine),
- Narcolepsie de type 2 (sans cataplexie),
- Hypersomnie idiopathique,
- Syndrome de Kleine-Levin ,
La prévalence est estimée entre 0,3 et 1,5 % de la population générale, la narcolepsie avec cataplexie touchant environ 0,02–0,04 %.
Signes cliniques
1. Somnolence diurne excessive
- Présente dans toutes les hypersomnies centrales.
- Elle se traduit par un besoin irrépressible de sommeil, avec des endormissements involontaires (« attaques de sommeil »).
- Les siestes sont courtes et réparatrices dans la narcolepsie, longues et non réparatrices dans l’hypersomnie idiopathique.
- On peut noter des comportements automatiques et de « microsommeils ».
2. Cataplexie (spécifique de la narcolepsie type 1)
- Il s’agit d’une perte brutale et transitoire du tonus musculaire déclenchée par les émotions (surtout le rire). En clair, les gens s’écroule sur place au moment de l’émotion. Mais ce peut-être plus subtil: chute de la tête, lâchage d’objet, épisode d’élocution difficile, et toujours déclenché par une émotion
- Durée : quelques secondes à 2 minutes, avec une conscience préservée.
- Fréquente chez l’adolescent, souvent atténuée avec l’âge.
3. Phénomènes liés au sommeil paradoxal
- Paralysie du sommeil : incapacité transitoire de bouger au réveil ou à l’endormissement. Ce sont des phénomènes très angoissant, mais ce n’est pas dangereux
- Hallucinations hypnagogiques/hypnopompiques : visuelles, auditives ou tactiles, très réalistes. Ce peut être très troublant, mais la personne perçoit que ce qu’elle ressent ne colle pas à la réalité.
- Ces manifestations sont fréquentes dans la narcolepsie, plus rares dans l’hypersomnie idiopathique, et existent aussi dans la population générale.
4. Sommeil nocturne perturbé
- Plus de la moitié des narcoleptiques présentent des éveils nocturnes fréquents, des rêves vifs, parfois un trouble du comportement en sommeil paradoxal.
- L’hyeprsomnie idiopathique se caractérise au contraire par un sommeil prolongé et souvent profond, et un réveil difficile.
5. Particularités du syndrome de Kleine-Levin
- L’hypersomnie n’est pas permanente
- Elle survient par crises récurrentes (jours à semaines) avec une hypersomnie sévère, associées à une désorientation, des troubles cognitifs, une hyperphagie, une hypersexualité ou des symptômes psychiatriques.
- Entre les épisodes, il existe des périodes intercritiques asymptomatiques.
Diagnostics différentiels
Le diagnostic doit exclure d’abord les causes fréquentes de somnolence diurne excessive:
- Sommeil insuffisant (syndrome du sommeil insuffisant, horaires irréguliers).
- Syndrome d’apnées du sommeil et autres troubles respiratoires nocturnes.
- Troubles psychiatriques (dépression, troubles bipolaires).
- Causes médicales ou médicamenteuses (médicaments sédatifs, alcool, pathologies neurologiques).
- Troubles circadiens (travail de nuit, syndrome de retard de phase).
Explorations complémentaires
1. Échelles cliniques
- Epworth Sleepiness Scale (ESS) : évalue la sévérité de la somnolence.
- Une échelle de fatigue : différencie fatigue et somnolence.
2. Polysomnographie (PSG) nocturne
- Analyse de l’architecture du sommeil et exclusion d’autres troubles (apnée, mouvements périodiques des jambes).
- Narcolepsie : sommeil fragmenté, augmentation du stade 1, possible sommeil paradoxal d’endormissement (SOREMP).
- Hypersomnie idiopathique : forte efficacité de sommeil, parfois durée totale de sommeil prolongée.
3. Tests diurnes
- Test itératif de latence d’endormissement (TILE) : mesure la latence d’endormissement et la survenue d’endormissement en sommeil paradoxal (SOREMP).
- Narcolepsie : latence ≤ 8 min et ≥ 2 SOREMP.
- Hypersomnnie idiopathique : latence ≤ 8 min et ≤ 1 SOREMP.
- Test de maintien d’éveil (TME) : mesure la capacité à rester éveillé. En fait ces tests ne permettent pas le diagnostique mais sont parfois indispensable notamment pour évaluer la capacité à la conduite.
4. Examens biologiques et génétiques
- Dosage de l’hypocrétine dans le LCR : très diminuée dans la narcolepsie type 1, normale dans l’hypersomnie idiopathique.
- Typage HLA-DQB1*06:02 : associé à la narcolepsie, mais non spécifique.
5. Examens d’imagerie et bilans complémentaires
- Imagerie cérébrale (IRM, TEP) si suspicion d’hypersomnie secondaire (tumeur, lésion hypothalamique, traumatisme crânien).
- Bilan psychiatrique ou neurologique selon le contexte.
Conclusion
Les troubles centraux de l’hypersomnolence constituent un groupe hétérogène mais bien défini de pathologies. Leur diagnostic repose sur une approche clinique détaillée, complétée par la polysomnographie, les TILE, et dans certains cas l’analyse du liquide céphalorachidient La narcolepsie, avec ou sans cataplexie, et l’hypersomnie idiopathique représentent les formes principales. L’enjeu du diagnostic est double : éliminer les causes secondaires fréquentes de somnolence et permettre une prise en charge adaptée et précoce afin de limiter le retentissement scolaire, professionnel et psychosocial.