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Le sommeil au cœur des maladies neurodégénératives

Rôle de la mélatonine, de l’orexine et de la mélanine-concentrating hormone (MCH)

Introduction

Les troubles du sommeil et du rythme circadien sont à considérer dans les maladies neurodégénératives. Longtemps considérés comme des symptômes secondaires, ils apparaissent aujourd’hui comme des marqueurs précoces et des facteurs aggravants de la progression pathologique. Alzheimer, Parkinson, Huntington, sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou encore démences frontotemporales partagent tous des altérations du sommeil. Ces perturbations ne se limitent pas à la simple insomnie : elles touchent l’architecture du sommeil, la régulation circadienne et les réseaux neuronaux centraux impliqués dans l’éveil et le repos.

Trois systèmes neurochimiques apparaissent particulièrement concernés :

  • la mélatonine, hormone sécrétée par la glande pinéale, régulatrice du rythme jour/nuit,
  • l’orexine (ou hypocretine), peptide hypothalamique essentiel au maintien de l’éveil,
  • la MCH (melanin-concentrating hormone), impliquée dans l’induction du sommeil paradoxal.

Vieillissement et sommeil : une vulnérabilité accrue

Avec l’âge, la structure du sommeil se fragmente : baisse du sommeil profond (stade 3), diminution des fuseaux du sommeil et des ondes lentes, altération de la synchronisation circadienne. La sécrétion de mélatonine décline, tandis que l’activité des neurones à orexine augmente, favorisant l’insomnie. Ces modifications constituent un terrain favorable aux maladies neurodégénératives.

Maladies neurodégénératives et troubles du sommeil

  • Alzheimer : le sommeil fragmenté précède souvent les troubles cognitifs. La réduction des oscillations lentes et des fuseaux du sommeil est corrélée à la charge amyloïde et des protéines tau. Les systèmes orexinergiques et MCH sont perturbés, aggravant l’accumulation de protéines toxiques et compromettant la consolidation mnésique.
  • Parkinson : les patients présentent une somnolence diurne excessive, une baisse de la mélatonine et de l’orexine, et un risque accru de troubles respiratoires du sommeil. Le trouble du comportement en sommeil paradoxal, marqué par l’absence d’atonie musculaire et des rêves agités, constitue un marqueur prodromique fort, apparaissant parfois 10 ans avant les premiers symptômes moteurs.
  • Huntington : la maladie s’accompagne d’une perte de neurones hypothalamiques, incluant les systèmes orexinergiques et MCH. Le sommeil est avancé, instable, avec réduction du stade 3 et du sommeil paradoxal, et une somnolence diurne marquée.
  • Sclérose latérale amyotrophique (SLA) : les altérations du sommeil sont liées à la perte des motoneurones et aux troubles respiratoires nocturnes (apnées, hypoventilation). Des modifications circadiennes sont observées précocement, parfois avant les premiers symptômes moteurs.
  • Démences frontotemporales : les patients tendent vers un chronotype vespéral, avec retards d’endormissement et somnolence diurne. L’orexine est souvent réduite, entraînant des modifications du sommeil lent et une augmentation du sommeil paradoxal.

Cibles thérapeutiques émergentes

Les auteurs mettent en avant trois approches principales :

  • Mélatonine : améliore la qualité du sommeil et exerce un effet neuroprotecteur, notamment dans Alzheimer et Parkinson. Cependant, son efficacité est variable et peut aggraver certains symptômes dans la démence frontotemporale (ex. apathie).
  • Agonistes du système MCH : chez l’animal, l’administration intracérébroventriculaire restaure le sommeil paradoxal et améliore la mémoire, mais les limites techniques (barrière hémato-encéphalique) freinent son usage clinique.
  • Antagonistes des récepteurs de l’orexine (DORA, comme le suvorexant) : prometteurs dans la maladie d’Alzheimer (réduction des dépôts amyloïdes et tau), et efficaces dans des modèles précliniques de Huntington et SLA.

Des stratégies non pharmacologiques complètent ces pistes : photothérapie, hygiène du sommeil, thérapies comportementales, ou encore ventilation nocturne dans la SLA.

Conclusion

Le sommeil apparaît aujourd’hui comme une pièce maîtresse du puzzle neurodégénératif. Ses altérations ne sont pas de simples conséquences mais participent activement à la progression des maladies. En comprendre les mécanismes ouvre des perspectives à double enjeu : détecter précocement les pathologies grâce à des biomarqueurs du sommeil, et intervenir thérapeutiquement pour ralentir leur évolution.

À terme, une approche intégrée combinant interventions pharmacologiques ciblées (mélatonine, DORA, MCH), techniques non médicamenteuses et suivi des biomarqueurs de sommeil pourrait améliorer significativement la qualité de vie et peut-être ralentir le cours de ces maladies dévastatrices.

Source: Sleep in neurodegenerative diseases: A focus on melatonin, melanin-concentrating hormone and orexin

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