La mélatonine est souvent connue du grand public comme « l’hormone du sommeil ». Sécrétée principalement par la glande pinéale, elle joue un rôle clé dans la régulation circadienne : sa sécrétion nocturne synchronise notre horloge interne avec l’alternance jour-nuit et facilite l’endormissement.
Mais les recherches récentes confirment que son champ d’action dépasse largement le seul domaine du sommeil. La mélatonine est aujourd’hui considérée comme une molécule impliquée dans de nombreux processus physiologiques, protecteurs et métaboliques. Une équipe chinoise fait le point dans Sleep Medicine Review.
1. Mélatonine et régulation circadienne
- La sécrétion de mélatonine est contrôlée par l’hypothalamus (noyau suprachiasmatique) et suit un rythme circadien précis : absente ou faible le jour (sa secrétion est bloquée par la lumière), élevée la nuit.
- Elle informe l’organisme de l’heure biologique, assurant une bonne synchronisation entre veille, sommeil, température corporelle, sécrétion hormonale et métabolisme énergétique.
- Elle joue aussi un rôle saisonnier : variations de sa durée de sécrétion de telle sort qu’elle influence la reproduction et les comportements saisonniers chez les animaux, et pourraient avoir un impact chez l’humain.
2. Propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires
- La mélatonine est un puissant piégeur de radicaux libres. Contrairement à de nombreuses autres molécules, elle agit à la fois directement (en agissant sur les réactions qui impliquent l’oxygène et l’azote) et indirectement (en stimulant les enzymes antioxydantes telles que superoxyde dismutase, glutathion peroxydase, catalase).
- Elle traverse facilement les membranes cellulaires et atteint les mitochondries, où elle protège l’ADN mitochondrial et les membranes lipidiques contre le stress oxydatif.
- Par ses effets anti-inflammatoires, elle module la production de cytokines pro-inflammatoires et pourrait ainsi contribuer à limiter les processus inflammatoires chroniques.
3. Rôle dans le métabolisme énergétique et mitochondrial
- La mélatonine régule la fonction mitochondriale en optimisant la production d’ATP et en réduisant les fuites d’électrons génératrices de radicaux libres.
- Des études suggèrent qu’elle participe à la prévention du vieillissement cellulaire et pourrait avoir un rôle protecteur contre les maladies neurodégénératives.
4. Mélatonine et système cardiovasculaire
- La mélatonine exerce un effet vasodilatateur nocturne, facilitant l’endormissement et contribuant à la baisse physiologique de la pression artérielle pendant le sommeil.
- Elle influence le tonus vasculaire et la régulation du rythme cardiaque via des récepteurs spécifiques (MT1 et MT2) présents dans le système cardiovasculaire.
- Des données indiquent un potentiel effet protecteur vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, notamment par son action antioxydante et anti-hypertensive.
5. Mélatonine et os
- On sait moins que la mélatonine intervient dans la santé osseuse : elle stimule l’activité des ostéoblastes (formation osseuse) et inhibe les ostéoclastes (résorption osseuse).
- Elle pourrait ainsi contribuer à la prévention de l’ostéoporose, notamment chez les sujets âgés ou en post-ménopause.
6. Mélatonine et autres fonctions biologiques
- Immunité : la mélatonine module la réponse immunitaire innée et adaptative, renforçant la résistance aux infections.
- Métabolisme du glucose : des liens existent entre mélatonine et sensibilité à l’insuline, ouvrant des pistes dans la compréhension du diabète de type 2.
- Cancer : ses propriétés anti-oxydantes et anti-prolifératives en font une molécule d’intérêt dans certains modèles expérimentaux, bien que son rôle clinique reste encore à préciser.
Conclusion
La mélatonine n’est donc pas seulement l’hormone qui «ouvre les portes du sommeil ». Elle constitue une molécule ubiquitaire, dotée d’effets antioxydants, anti-inflammatoires, immunomodulateurs et métaboliques. Si son usage thérapeutique est bien établi dans les troubles du rythme circadien et l’insomnie, les recherches en cours élargissent son champ potentiel à la protection cardiovasculaire, la santé osseuse, le vieillissement cellulaire et certaines pathologies chroniques.
Ces avancées invitent à la considérer comme une hormone clé de la physiologie humaine, dont le rôle va bien au-delà de la nuit.
Petite bibiliographie pour les curieux
- Jia M, Luo A, Wei M, Zhang Y, Wu T, Chen N. Melatonin: beyond circadian regulation – exploring its diverse physiological roles and therapeutic potential. Sleep Med Rev. 2025;82:102123. doi:10.1016/j.smrv.2025.102123
- Zisapel N. New perspectives on the role of melatonin in human sleep, circadian rhythms and their regulation. Br J Pharmacol. 2018;175(16):3190–3199.
- Reiter RJ, et al. Reactive oxygen intermediates, molecular damage, and aging. Relation to melatonin. Ann N Y Acad Sci. 1998;854:410–424.
- Hardeland R, Pandi-Perumal SR. Melatonin, a potent agent in antioxidative defense. Nutr Metab (Lond). 2005;2:22.
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