Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est un problème de santé publique majeur. Il touche près d’un milliard de personnes dans le monde, et ses conséquences dépassent largement les simples ronflements ou pauses respiratoires nocturnes. Non traité, il est associé à une somnolence diurne, des troubles de l’humeur, une altération cognitive, mais aussi à un risque accru de maladies cardiovasculaires, métaboliques et de mortalité prématurée.
La prise en charge du SAOS repose traditionnellement sur la pression positive continue (PPC), qui demeure le traitement de référence. Pourtant, son efficacité clinique réelle est souvent limitée par une mauvaise observance : beaucoup de patients abandonnent ou utilisent leur appareil de manière insuffisante. Ce constat a poussé la recherche à explorer d’autres voies thérapeutiques.
Une équipe française (Grenoble, Inserm U1300) a publié dans eClinicalMedicine (Lancet) une revue très large regroupant 34 méta-analyses de 230 essais randomisés, soit plus de 36 000 participants. Cette synthèse critique offre pour la première fois une vision comparative globale de l’efficacité, de la tolérance et de l’adhérence des principaux traitements du SAOS.
PPC : une efficacité démontrée mais limitée par l’adhérence au traitement
La PPC confirme sa supériorité dans la réduction de l’index apnées-hypopnées (IAH), avec en moyenne une diminution de plus de 30 événements par heure. C’est également le traitement le plus efficace pour améliorer la somnolence diurne. Néanmoins, l’adhérence reste l’obstacle majeur : seule une partie des patients parvient à utiliser l’appareil de manière régulière et suffisante. Dans la vraie vie, ces contraintes limitent l’impact global de la PPC sur la santé publique.
Dispositifs d’avancée mandibulaire : une alternative crédible
Les DAM, qui avancent la mâchoire inférieure pour libérer les voies aériennes, réduisent l’IAH en moyenne de 10 à 12 événements par heure. Leur effet est moins marqué que celui de la PPC, mais leur tolérance et leur acceptabilité par les patients sont meilleures. Ces dispositifs représentent donc une solution intéressante pour les SAOS légers à modérés ou en cas d’intolérance à la PPC.
Agonistes du GLP-1 et perte de poids
La gestion pondérale occupe une place croissante dans la stratégie thérapeutique. Les agonistes du GLP-1, tels que le liraglutide ou le tirzépatide, montrent des résultats prometteurs : le tirzépatide réduit l’IAH d’environ 22 événements par heure. Ces traitements s’ajoutent aux approches classiques de perte de poids (régimes, chirurgie bariatrique), avec l’avantage d’une action pharmacologique directe sur le métabolisme et la satiété. Cependant, les données restent limitées en nombre et en durée, ce qui impose la prudence.
Activité physique : un bénéfice sur la qualité de vie
L’un des résultats les plus marquants de cette revue est la démonstration de l’efficacité de l’activité physique structurée. Elle n’est pas le traitement le plus puissant pour réduire l’IAH, mais elle apporte le bénéfice le plus net sur la qualité de vie. Les patients engagés dans un programme d’exercice régulier rapportent une amélioration significative de leur bien-être, de leur énergie et de leur humeur. Cela souligne l’importance d’intégrer l’activité physique dans une approche globale et multidimensionnelle du SAOS.
Thérapies innovantes et complémentaires
De nouvelles approches sont également étudiées :
- Stimulation du nerf hypoglosse : en stimulant électriquement le nerf qui contrôle la langue, cette technique améliore la perméabilité des voies aériennes supérieures. Les résultats sont encourageants, mais encore basés sur un petit nombre d’essais.
- Thérapies myofonctionnelles et oropharyngées : elles visent à renforcer la musculature des voies aériennes, avec une efficacité modérée sur l’IAH et une amélioration notable de la somnolence.
- Médicaments éveillants (pitolisant, solriamfétol, modafinil) : ils réduisent efficacement la somnolence résiduelle, parfois avec un haut niveau de preuve, mais sans effet sur les événements respiratoires.
Limites et perspectives
Un point essentiel de cette revue est la qualité variable des preuves. Seuls 3 % des méta-analyses atteignent un haut niveau de certitude. La majorité se situe dans une zone de preuve modérée ou faible, du fait d’une hétérogénéité méthodologique, de la courte durée des essais et d’un risque de biais important.
Les auteurs insistent donc sur la nécessité d’essais cliniques plus longs, comparatifs et intégrant les stratégies combinées. L’avenir de la prise en charge du SAOS réside probablement dans une approche personnalisée, tenant compte des phénotypes cliniques et combinant PPC, interventions comportementales, pharmacologiques et dispositifs innovants.
Conclusion
Cette revue marque une étape importante : elle confirme la place centrale de la PPC, tout en mettant en lumière les bénéfices complémentaires d’autres approches. L’activité physique se distingue comme la stratégie la plus favorable sur la qualité de vie, tandis que les agonistes du GLP-1 et la stimulation hypoglosse ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
En somme, il ne s’agit plus seulement de choisir entre PPC ou alternatives, mais de construire des parcours de soins personnalisés, adaptés aux profils et préférences des patients.












