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Les effets cardiovasculaires de la mélatonine : dangereuse ou protectrice pour le cœur ?

Ces derniers jours, plusieurs médias grand public ont relayé avec inquiétude un communiqué très sensationnaliste de l’American Heart Association laissant entendre que la mélatonine pourrait augmenter le risque cardiaque. Avant de faire des conclusions hâtives, il est essentiel de replacer cette communication dans son contexte scientifique réel.


1 – Que dit réellement cette communication ?

L’étude présentée aux American Heart Association Scientific Sessions 2025 par l’équipe du Dr Nnadi analyse cinq années de données issues de la base internationale TriNetX : plus de 130 000 adultes souffrant d’insomnie chronique ont été comparés selon qu’ils utilisaient ou non de la mélatonine.

Les auteurs rapportent que :

  • les utilisateurs de mélatonine depuis ≥ 12 mois présenteraient un risque relatif augmenté (~90%) d’insuffisance cardiaque sur 5 ans par rapport aux insomniaques appariés n’en utilisant pas (4,6 % vs 2,7 %) ;
  • une analyse complémentaire sur des utilisateurs « réguliers » de mélatonine aboutit à un résultat similaire ;
  • un risque 3,5 fois plus élevé d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et un quasi doublement de la mortalité toutes causes confondues sont également évoqués.

Présentés tels quels, ces chiffres impressionnent. Mais leur interprétation est loin d’être simple.


2 – Pourquoi faut-il absolument éviter toute conclusion hâtive ?

Malgré leur diffusion massive (TF1 Info, Notre Temps, Femme Actuelle, Science & Vie, etc.), les résultats de Nnadi ne constituent pas une preuve scientifique.

Plusieurs points majeurs doivent être rappelés :

▪ Une communication de congrès n’est pas un article validé

Il ne s’agit pas d’une publication évaluée par les pairs, mais de résultats d’une équipe. Aucune méthodologie détaillée n’est disponible, aucune analyse critique externe n’a été réalisée.

▪ Une association ne prouve pas un lien causal

Les auteurs le reconnaissent eux-mêmes :

  • sévérité plus importante de l’insomnie,
  • comorbidités psychiatriques,
  • traitements non documentés,
    pourraient expliquer les résultats sans que la mélatonine soit directement impliquée.

▪ Un biais majeur : le groupe “sans mélatonine” ne l’est probablement pas

Aux États-Unis, la mélatonine est massivement consommée sans ordonnance, donc non enregistrée dans les dossiers médicaux. Un grand nombre d’utilisateurs de mélatonine sont donc… dans le groupe “non-mélatonine”. Ce biais peut nettement perturber les comparaisons.

▪ Les données établies vont dans le sens opposé

A ce jour, la littérature scientifique publiée, évaluée, et reproductible décrit plutôt des effets protecteurs cardiovasculaires, et aucune étude solide n’a montré un effet délétère.


3 – Les arguments établis contre un effet cardiovasculaire négatif de la mélatonine

Les travaux publiés depuis plus de vingt ans présentent des résultats très différents :

▪ Réduction modeste mais significative de la tension nocturne

Les formes à libération prolongée améliorent la régulation tensionnelle nocturne.

▪ Effets vasculaires protecteurs

La mélatonine exerce des actions :

  • antioxydantes,
  • anti-inflammatoires,
  • améliorant la fonction endothéliale.

Ces effets sont régulièrement décrits comme cardioprotecteurs.

▪ Protecteur dans certaines conditions cliniques

Plusieurs travaux suggèrent un rôle favorable dans la prévention ou la réduction des épisodes de fibrillation atriale (notamment en postopératoire), même si certains modèles animaux d’obésité donnent des résultats contradictoires.

Conclusion essentielle

À ce jour, un lien négatif entre mélatonine et santé cardiovasculaire n’est pas démontré.
Au contraire, la majorité des données publiées montrent soit une neutralité, soit des effets protecteurs.

L’étude de Nnadi devra être confirmée par une publication complète et rigoureuse avant de modifier quoi que ce soit aux recommandations.


Il est toutefois utile de rappeler que la HAS recommande une prise limitée à 13 semaines, utilisation trés généralement largement dépassée, donc inappropriée. Chez les enfants, elle doit être liée à une prescription médicale.


Références

Scheer FAJL et al. Effect of melatonin on nocturnal blood pressure: méta analyse montrant un effet significatif des formes à libération prolongée, non des formes immédiates. 10.2147/VHRM.S24603

Hong K et al. Effects of Melatonin Supplementation On Blood Pressure: méta analyse concluant à un effet favorable global sur la régulation tensionnelle. 10.1055/a-0841-6638      

Meta analyse 2022 sur la mélatonine LP dans l’hypertension: réduction de la PA durant le sommeil et amélioration du sommeil. 10.1111/jch.14482

Revue 2024 Melatonin and Vascular Function: synthèse des effets endothéliaux, antioxydants et anti inflammatoires vasculaires. 10.3390/antiox13060747

Revue 2024 Melatonin as an adjunctive therapy in cardiovascular disease: cardioprotection, remodelage, mitochondries et atherosclérose; profil de sécurité favorable. 10.1177/00368504241299993

Essai post pontage coronarien: baisse du stress oxydant et de la durée de FA sous mélatonine. 10.15420/ecr.2023.18.PO8

Étude préclinique 2023: augmentation de la susceptibilité à la FA dans un modèle d’obésité sous mélatonine. 10.1111/jpi.12851

Étude préclinique 2025: diminution de la susceptibilité à la FA induite par privation de sommeil grâce à la mélatonine. 10.1016/j.intimp.2025.114093          

Étude préclinique: protection contre la fibrillation auriculaire induite par angiotensine II via des mécanismes protéasomaux/ATRAP. 10.1016/j.bcp.2022.115146