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Apnées obstructives du sommeil et micro-saignements cérébraux : que nous apprend une grande cohorte coréenne ?

Introduction

Les micro-saignements cérébraux constituent un biomarqueur de maladie vasculaire cérébrale. Visualisables en IRM ces lésions millimétriques traduisent une fragilité vasculaire et s’associent à un risque accru d’AVC et de démence.

Alors que de nombreux facteurs vasculaires sont connus (HTA, diabète, dyslipidémie, tabac), l’éventuelle contribution des apnées obstructives du sommeil (SAOS) restait incertaine : données limitées, cohortes de petite taille, résultats contradictoires.
L’étude qui vient d’être publiée par Siddiquee et al. dans JAMA Network Open apporte pour la première fois l’évolution du suivi sur 8 ans, en population générale, de l’association entre SAOS et les micro-saignements.


Méthodes : suivi d’ une cohorte sur 8 ans

Population

L’étude s’appuie sur la Korean Genome and Epidemiology Study (KoGES), une cohorte communautaire suivie depuis plus de 10 ans.
Parmi les 2918 adultes évalués initialement, 1441 participants ont pu être inclus sur des données objectiives (PSG + IRM disponibles aux trois temps d’évaluation) après exclusion des sujets porteurs de micro-saignements à l’inclusion ou ayant des antécédents cardiovasculaires ou cérébrovasculaires. L’âge moyen initial était de 57,7 ans.

Évaluation du sommeil

Les participants ont réalisé une polysomnographie à domicile (Embletta X-100) à 3 reprises : de base (2011–2014), 4 ans, puis 8 ans.
Le SAOS était catégorisé selon l’index d’apnées-hypopnées (IAH) :

  • 0–4,9/h : pas d’SAOS, 812 personnes
  • 5–14,9/h : SAOS léger, 436 personnes
  • ≥15/h : SAOS modéré à sévère, 193 personnes

Imagerie

Un suivi par IRM cérébrale était réalisé.
Les micro-saignements étaient définis comme des lésions hypointenses focales de moins de 10 mm.


Résultats principaux

Incidence des micro-saignements

À 8 ans, les taux cumulatifs de micro-saignements étaient :

  • 3,33 % chez les non-SAOS
  • 3,21 % SAOS léger
  • 7,25 % SAOS modéré à sévère

Ainsi, le groupe SAOS modéré-sévère présentait un taux plus que doublé.

Risque relatif

Après ajustement complet :

  • SAOS léger : pas d’augmentation significative du risque
  • SAOS modéré à sévère : RR = 2,14 (IC95% 1,08–4,23), p = 0,02 à 8 ans
  • L’association n’était pas significative à 4 ans, suggérant un processus lent de survenue des micro-saignements.

Analyses de sensibilité

  • L’exclusion des utilisateurs de PPC (n=21) ne changeait pas les résultats.
  • L’ajustement sur le statut APOE-ε4 confirmait l’association (RR = 2,91), ce qui suggère un effet indépendant d’une vulnérabilité génétique à la maladie d’Alzheimer.

Comment interpréter ces résultats ?

Un lien plausible physiopathologiquement

Plusieurs mécanismes rendent crédible l’association SAOS et fragilité microvasculaire :

  1. Hypoxies intermittentes nocturnes : stress oxydatif, inflammation endothéliale, dysfonction vasculaire.
  2. Variabilité tensionnelle brutale : majorée lors des efforts inspiratoires contre une voie aérienne obstruée.
  3. Augmentation du tonus sympathique : facilitant micro-lésions vasculaires.
  4. Interaction avec les autres facteurs cardiovasculaires : HTA, diabète ou dyslipidémie, très fréquents chez les SOSA sévères dans l’étude (59 % d’HTA dans le groupe sévère).

Le fait que l’association persiste après ajustement sur l’HTA, le diabète, l’IMC et les lipides soutient une contribution propre de l’SAOS.

Les micro-saignements : biomarqueurs de vieillissement vasculaire cérébral

Les micro-saignements sont liés à un risque accru :

  • d’AVC hémorragique et ischémique
  • de déclin cognitif
  • de démence

Trouver qu’un SAOS modéré-sévère en augmente l’incidence sur 8 ans renforce l’idée que l’SAOS n’est pas seulement un trouble respiratoire, mais une maladie systémique vasculo-métabolique, avec un impact cérébral mesurable.


Limites à garder à l’esprit

Les auteurs soulignent plusieurs limites, importantes pour l’interprétation clinique :

  • La technique de détection des micro-saignements
  • Changement technique des machine IRM au cours du suivi (amélioration de la détection)
  • Cohorte ethniquement très homogène (population coréenne), limitant l’extrapolation complète à d’autres population

Implications pour la pratique clinique

Dépister le SAOS n’est pas seulement prévenir la somnolence : c’est aussi prévenir les maladies vasculaires cérébrales.

Un SAOS modéré à sévère doit être considéré comme un facteur de risque vasculaire cérébral.

La prise en charge (PPC, perte de poids, suppression de l’alcool, traitement positionnel…) pourrait contribuer à prévenir des lésions cérébrales silencieuses.

En gériatrie, neurologie, médecine du sommeil, cette étude invite à intégrer le SAOS dans l’évaluation globale des facteurs de risque cérébraux au long cours.


Pour résumé

Cette première étude longitudinale d’une cohorte, montre que le SAOS modéré à sévère double le risque de développer des micro-saignements cérébraux sur 8 ans, indépendamment des facteurs vasculaires classiques et de facteur génétique.

Ces résultats renforcent l’importance du diagnostic précoce et du traitement efficace des apnées du sommeil, non seulement pour la qualité de vie et la vigilance, mais aussi pour la préservation du cerveau vieillissant.

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